L'Europe rétropédale sur  la vente de voitures à moteur thermique neuves après 2035 !

Dec 16, 2025Par Conseil Direct
Conseil Direct

La Commission européenne a récemment dévoilé son plan visant à autoriser la vente de voitures à moteur à combustion même après 2035. Finalement, la liste des moteurs touchés est plutôt longue. Cependant, il faut rester vigilant, car tout n'est pas parfait pour les conducteurs et, surtout, rien n'est encore décidé.

On croyait l'affaire réglée depuis le vote marquant de juin 2022. En Europe, la décision avait été prise d'éliminer complètement les moteurs thermiques d'ici 2035. Cependant, il ne tenait pas compte de la clause de révision, prévue pour 2025.

En effet, ce mardi 16 décembre 2025 constitue un moment clé : la Commission européenne vient de dévoiler une refonte de son document dans un communiqué. Une suggestion radicalement différente de l'original. Le 100 % électrique n'est plus le seul chemin, mais l'accès reste très limité pour les moteurs à combustion.

Nous déchiffrons ce qui évolue réellement pour votre future automobile, et pourquoi le conflit politique entre Paris et Berlin est loin d'être résolu.

De 100 % à 90 % : une flexibilité strictement régulée

Voici le chiffre essentiel de cette annonce : le but de diminution des émissions de CO₂ provenant des voitures neuves en 2035 évolue de 100 % à 90 %. En d'autres termes, les voitures auront toujours la possibilité d'émettre du CO₂. Cependant, ce chiffre apparemment simple dissimule en réalité un processus complexe.

Les 10 % d'émissions restants ne sont pas une faveur accordée aux fabricants. Il sera nécessaire de les compenser activement par deux méthodes très précises : l'emploi d'acier à faible teneur en carbone fabriqué au sein de l'Union Européenne, ou par le biais de crédits associées à l'utilisation de carburants renouvelables tels que les e-fuels et les biocarburants dans les moteurs thermiques.

Ainsi, cette indemnisation permettra effectivement la vente continue de véhicules qui ne sont pas entièrement électriques. L'éventail est plus étendu que anticipé, englobant les hybrides rechargeables (PHEV), les véhicules électriques à prolongation d'autonomie (REEV ou EREV), ainsi que les hybrides légers (mild hybrids). De plus, cela inclut également les voitures dotées de moteurs à combustion traditionnelle utilisant des combustibles spécifiques.

Toutefois, leur survie sera tributaire de l'habileté des fabricants à exploiter ces dispositifs de compensation, rendant ainsi l'équation industrielle beaucoup plus complexe.

Le « Battery Booster » et les crédits exceptionnels pour le « Made in Europe »

L'Europe ne se limite pas à modifier les règles, elle investit également financièrement pour tenter de résister à la domination chinoise. L'initiative « Battery Booster » de la Commission prévoit un programme de prêts sans intérêts d'un montant de 1,5 milliard d'euros destiné aux entreprises fabriquant des batteries en Europe. Le but est de mettre en place un écosystème local et de diminuer la dépendance vis-à-vis de l'Asie.

De manière plus délicate, Bruxelles met en place un système de « super-crédits » destiné aux véhicules compacts, les célèbres E-Car à 15 000 euros. On envisage que la prise en compte d'une voiture électrique compacte et économique (de moins de 4,2 mètres) produite en Europe serait équivalente à 1,3 véhicule dans le calcul des objectifs CO₂ pour les fabricants.

Renault Twingo E-Tech

Ce levier est spécifiquement élaboré pour encourager fortement Renault, Stellantis ou Volkswagen à fabriquer leurs petites voitures (comme la R5 ou l'ID. Polo) localement plutôt qu'à l'étranger, tout en facilitant leur conformité aux objectifs climatiques globaux. C'est une façon d'établir une « préférence européenne » sans entrer en conflit direct avec les règles du commerce international.

France face à l'Allemagne : un arrêt de jeu, pas la conclusion du match

Si cette annonce semble être un compromis, c'est parce qu'elle résulte d'une bataille secrète acharnée. D'un côté, le secteur allemand, fort d'une industrie automobile robuste mais en retard sur le plan électrique, militait pour une révision de la règle zéro émission, notamment dans le but de préserver les moteurs à combustion grâce aux carburants synthétiques. Berlin considère que l'objectif de 90 % avec une compensation par les e-fuels est une réussite.

Par ailleurs, Paris plaidait pour la préservation de l'orientation 100% électrique afin d'assurer les immenses investissements des gigafactories françaises. La France a dû céder sur l'objectif 2035, cependant elle a obtenu en retour un renforcement du « Made in Europe » ainsi que des subventions pour le secteur. Sébastien Martin, le ministre délégué à l'Industrie, le confirme d'ailleurs : « Si l'Allemagne avait remporté la victoire, nous ne serions probablement pas passés (uniquement) de 100 à 90 % ».

Précision, ce n'est pas encore une loi

Il est essentiel de garder à l'esprit que ce que nous exposons ici est une suggestion de la Commission européenne. Il reste encore un long et tortueux parcours législatif à suivre. Il est à présent nécessaire que ce texte soit discuté et approuvé par le Conseil de l'Union européenne, qui regroupe les ministres des États membres, puis soumis à l'approbation du Parlement européen.

On peut donc s'attendre à ce que les groupes de pression fonctionnent à plein régime dans les mois à venir. Ce texte établit une nouvelle direction, mais la situation peut toujours évoluer. Une chose est sûre : le futur de l'automobile en Europe sera principalement axé sur l'électrique. Cependant, la transition pourrait être moins radicale que prévue au départ.

De toute manière, le moteur à combustion est condamné

Outre ces modifications politiques, il ne faut pas se tromper : le sort du moteur à combustion est scellé. Ce n'est pas une question d'idéologie, mais de physique pure. L'efficacité d'un moteur électrique est écrasante comparée à une machine thermique qui perd plus de 60 % de son énergie sous forme de chaleur superflue. Comme Alexandre Astier l'a récemment souligné avec pertinence, si l'on devait inventer le moteur à combustion aujourd'hui face à l'électrique, on serait considéré comme fou.

Moteur Nissan GT-R

L'acteur, fervent amateur de mécanique, mettait en évidence le ridicule de soutenir un système compliqué de 300 éléments mobiles, qui opère par explosions pour convertir un mouvement linéaire en rotation, comparativement à un moteur électrique qui ne comporte qu'une poignée de pièces et assure une rotation naturelle.

Les lois de la thermodynamique sont inflexibles : même avec un dixième d’échappatoire législatif, l'efficacité énergétique de l'électrique finira par s'imposer comme l'unique option économiquement et techniquement viable.